Avril rime avec baril, antimissile, imbécile et difficile !

 

Avril 2022, chez nous, ce sera le verdict des élections pour 5 ans. Juste à côté, ce sera peut-être la sortie d’un triste tunnel où 5 ans ne suffiront pas à tout reconstruire. Ici, quel.le que soit l’élu.e, on peut juste penser qu’on ne s’en sortira pas si mal au regard des fausses démocraties et réelles dictatures qui sévissent encore ici-bas. N’oubliez pas d’aller voter !

Croyants et athées vont fêter Pâques, chacun à sa façon. Jeûne, prière et partage pour les plus pratiquants, lapins en chocolat et œufs cachés dans le jardin pour tous les autres. La Pâque juive commémore l’exode du peuple juif d’Égypte, libéré de l’esclavage par Moïse en traversant la mer Rouge tandis que la Pâques – avec un s – chrétienne célèbre quant à elle la résurrection du Christ crucifié, le passage de la mort à la vie. L’Histoire est ironique. Pour les Ukrainiens et nombre de Russes opposés à cette guerre, Pâque avec ou sans « s » réunit les deux dimensions : liberté et résurrection. A quel prix ? Dieu seul le sait !

Difficile d’imaginer que nous allons nous délecter de fins chocolats en forme de lapins, de poules, de cloches et d’œufs tandis qu’à moins de 3000 kilomètres, les survivants poursuivront leur exode ou seront toujours repliés dans des caves sous le bruit des bombes et dans le chaos qui les accompagne.

Faisant fi de la tragédie humaine qui se déroule sous nos yeux, utilisant la coutume comme un faux-fuyant, je me suis préparée tant bien que mal à préparer Pâques avec les voisins et les enfants. Nous avons ouvert un petit atelier dédié à « La Pyssanka », art traditionnel décoratif ukrainien. A l’entrée de la pièce, le plus grand avait accroché une pancarte écrite à la main à la parfaite hauteur. Nul ne pouvait l’ignorer.

La technique de la pyssanka paraît simple. Faire couler de la cire fondue sur la coquille de l’œuf, pour protéger les zones qui resteront blanches. Ensuite, plonger l’œuf dans un premier bain de teinture, en prenant la plus claire de celles qui seront utilisées. Puis on refait couler de la cire sur les parties à protéger et on plonge à nouveau l’œuf dans un autre bain de couleur, et ainsi de suite jusqu’au résultat voulu. Il ne reste plus qu’à faire fondre doucement la cire pour retrouver les parties réservées dans chacune des couleurs.

Je vous assure que nous avons eu du mal, que certains œufs n’ont pas résisté aux chocs quand on a voulu ôter la cire, que le bleu et le jaune n’ont pas toujours été préservés et que, faute de dextérité ou de patience, nous avons fini par compléter notre maigre butin de quelques œufs en chocolat emballés dans des papiers métallisés, en attendant d’aller les cacher dans le jardin le jour J.

Sur la pancarte était écrit un proverbe ukrainien: « Tant qu’il y aura quelqu’un pour décorer des pyssanky* le monde continuera d’exister ».

Pendant plusieurs heures, tout en essayant de créer nos petites œuvres, nous parlions d’eux, nous pensions à eux, nous espérions pour eux. On s’est senti tout simplement utile.

Avril 2022 n’est pas facile. Fébrile. Fragile. Hémophile. Hostile. Péril. Le mois des poètes et de la rime, des chants d’oiseaux et des champs fleuris, ce mois dédié à Vénus, le seul mois qui débute dans l’insouciance et les petites plaisanteries, … cette année, tu nous mutiles.

Paula Serrajent

*pluriel de Pyssanka, le mot vient du verbe pyssaty qui veut dire écrire en Ukrainien