Sujet : 

« Ce serait pour moi la vie rêvée ! »
Vous placerez cette phrase dans un texte dont vous choisirez la forme (récit, poème, scène de théâtre, portrait, Bande Dessinée.)

MON HANDICAP ET MOI

par Pauline Cochard

– “Je suis désolée mais nous ne pouvons pas vous retenir pour ce poste. 
– Pourquoi ? Je demande à cette femme. 
– Heu…Eh bien vous voyez…Enfin non vous ne pouvez pas mais…
– C’est bon j’ai compris. Dis-je en me levant pour partir.”

Une fois de plus, je pars le moral dans les chaussettes. C’est toujours comme ça de toute façon. Après tout qui voudrait d’une aveugle dans son entreprise ?
Je m’appelle Laetitia et je suis aveugle de naissance. Je suis née prématurément avec ma sœur jumelle mais malheureusement j’ai été la seule à survivre. 
Malgré les moqueries des autres enfants, le harcèlement scolaire et la peur de certaines personnes à mon encontre, j’ai vécu une vie tout à fait normale.
Actuellement j’ai un mari et deux enfants. Comme vous pouvez le constater je n’ai pas d’emploi et ce n’est pas les employeurs qui se pressent à ma porte.
À peine je sors de l’entreprise que mes deux enfants me sautent dessus.

– “Maman ! Tu m’as trop beaucoup manquée ! Crie ma fille.
– Mais c’est à moi que tu as le plus manqué maman ! Déclare mon fils s’agrippant à mon pantalon. 
– Il ment ! C’est moi la première donc c’est à moi que tu as le plus manquée ! 
– Allons, il ne faut pas se disputer laissez votre mère se reposer. Dit mon mari en attrapant les deux petits asticots. 
– Alors ? Me demande-t-il
– Toujours pas. 
– Ho…Ce n’est pas bien grave mon amour. De toute façon je n’aimais pas cette entreprise. Essaie-t-il de me convaincre.
– Oui, si tu le dis…” 

Nous marchons sans bruit jusqu’à la maison. J’entends les voitures rouler, les oiseaux chanter et les passants marcher. Mais je ne vois ni les voitures, ni les oiseaux ni les passants. J’ai l’habitude mais j’aimerais un changement.

Nous arrivons à la maison. Je pose mes affaires et pars faire à manger. J’annonce aux enfants que ce soir on mange des pâtes. Je les entends crier de joie et sauter dans la maison. Parfois, je me prends à imaginer ma vie si je pouvais voir mes enfants et mon mari. 

On me dit qu’ils sont beaux mais j’aimerais les voir et leur dire moi-même qu’ils sont magnifiques. 
J’aimerais voir le visage de celui que j’aime. J’aimerais pouvoir lire tous les livres que je veux. 
Je voudrais sortir seule dans la rue. Je voudrais prendre l’avion avec mes enfants. Oui, car cela aussi je ne peux pas. La dernière fois que j’ai voulu prendre l’avion avec mes enfants, la sécurité m’a dit que c’était trop dangereux car je suis aveugle et mon mari mal-voyant.
J’avais promis à mes enfants qu’on prendrait l’avion mais je n’ai pas su tenir ma promesse…
Faire toutes ces choses serait pour moi une vie idéale. 
Ce serait pour moi une vie rêvée ! Malheureusement c’est impossible avec la technologie actuelle.

Il est sept heures, Je pars réveiller les enfants, mon mari est déjà parti au travail. Comme toujours, nous prenons le chemin de l’école que je connais sur le bout des pieds. J’ai passé plusieurs semaines à apprendre le trajet pour pouvoir les emmener. On arrive devant le portail, je dis au revoir aux enfants quand une petite fille m’approche : 
– “Madame ! Elle sert à quoi votre canne ?
– Eh bien…Je commence 
– Marie reviens ici ! Hurle une voix d’homme.” 

Le père se rapproche de sa fille et l’emmène plus loin. Je l’entends lui dire de ne pas s’approcher de moi car je pourrais être contagieuse. 
La rage monte en moi et je lui crie que je suis aveugle que ce n’est pas contagieux contrairement à sa bêtise. 
Il le prend mal et bougonne mais tant pis ce n’est pas mon problème. 

Je rentre chez moi furieuse. J’avais presque oublié qu’on trouve des idiots partout. J’essaie d’oublier ce mauvais évènement et me remets au boulot.
Lessive, cuisine, ménage, école, téléphone sont mon quotidien.
Je ne peux pas sortir au magasin sans mon mari car même si je connaissais le chemin pour y aller, les rayons changent souvent de place.Je ne peux pas non plus repasser ou coudre. 
Beaucoup de choses ne me sont pas accessible heureusement ma petite famille ne m’a jamais rien dit. On s’adapte. La vie est parfois injuste mais je me dis qu’au moins je ne vois pas la tête des idiots…

Plus de dix ans se sont écoulés et mes enfants sont partis de la maison. 
Mon fils fait des études et ma fille est devenue scientifique. 

Il y a quelques années, pendant sa période d’adolescence, elle m’a dit qu’elle deviendrait scientifique pour trouver un moyen de me donner la vue. Je pense que c’est impossible mais elle en est tellement persuadée que je n’ai pas réussi à lui dire. 

J’attends mon mari qui doit bientôt rentrer du travail. Aujourd’hui nous allons chez ma fille pour fêter son anniversaire. Elle devrait venir nous chercher vers dix-huit heures car nous ne pouvons pas non plus conduire. Nous sommes chez elle, le repas est servi. Nous sommes ensemble, comme avant. Il y a seulement son frère, son père et moi. Tous les quatre comme toujours. Ma petite famille me manque et j’apprécie le fait qu’on ne soit qu’entre nous. Je me sens apaisée d’être avec eux.
– “Maman, papa, J’ai quelque chose à vous dire. Commence ma fille. 
– Oui ?  
– Stiti ! Hurle son frère en fou rire. 
– Tu te trouves drôle ? Râle sa sœur. Bon alors, j’ai travaillé pendant plus d’un an dessus. Ça m’a pris du temps, des efforts mais j’ai réussi ! Maman ! J’ai fabriqué un appareil capable de te donner la vue ! M’annonce ma fille la voix frémissante.”

Je reste sonnée suite à son annonce. C’est impossible.
Mon mari se lève puis vient m’embrasser. Ma fille parle le sourire dans la voix. Mon fils, hilare, saute dans tous les sens. Et moi, je suis physiquement avec eux mais mon esprit est loin.
J’ai vécu plus de cinquante ans dans le noir pour moi retrouver la vue est un rêve.
Mais si cela ne marchait pas ? Si je me faisais de faux espoir ? 
Néanmoins si cela marchait je pourrais enfin voir ma famille, je pourrais enfin sortir…Les larmes coulent sur mon visage rien qu’à ces pensées.

Ils viennent tous m’enlacer, je sens leurs larmes et leur amour m’envahir dans cette étreinte. Je les aime et leur fais confiance.