Sujet : 

« Ce serait pour moi la vie rêvée ! »
Vous placerez cette phrase dans un texte dont vous choisirez la forme (récit, poème, scène de théâtre, portrait, Bande Dessinée.)

MON ELDORADO

par Nicole Cambreling

 

Tout petit déjà, je rêvais d’un autre monde, un monde idéal où le soleil, dès potron-minet, réchaufferait la terre sans la calciner, où des vents alizéens caresseraient les arbres sans les déraciner, où des pluies bienfaisantes infiltreraient les sols sans les acidifier.
Telle un phénix, la forêt amazonienne renaîtrait de ses cendres et procurerait un nouveau souffle aux vivants. Ici-bas, on étouffe. Les déserts ne cessent d’avancer.
Les oiseaux respireraient un air enfin affranchi de dioxyde de carbone ou de particules fines. Voluptueux, ivres de liberté, ils voleraient sans peine jusqu’aux confins du globe.
Les poissons évolueraient au milieu d’eaux limpides et les coraux en expansion se pareraient de couleurs arc-en-ciel dans les fonds sous-marins. Plus de dauphins ni de tortues asphyxiés dans des sacs en plastique. Plus de hordes de thons sanguinolents en train d’agoniser sous le harpon des pêcheurs ou dans des nasses en nylon.
Les troupeaux pâtureraient au milieu de vertes prairies et les insectes retrouveraient l’envie de butiner les fleurs. Quant aux espèces sauvages, elle seraient, elles aussi, définitivement à l’abri de la cruauté humaine. Au diable les manteaux de panthères ou les sacs en croco !
Ecroulés les clapiers de béton où croupissent des millions d’individus scotchés à leur WIFI. Démolis les avions qui polluent l’atmosphère de leurs fumées dekérosene.
Laminés les paquebots de croisière qui gangrènent fleuves et océans.
Fonte des glaciers. Réchauffement de la planète. Ici, trop de bouleversements. La terre est devenue une cocotte-minute, prête à exploser. L’espace vivable se réduit comme peau de chagrin.
Affront de l’homme à la nature ? Il faut exterminer ce général en chef. Ainsi, débarrassée de lui, la vraie vie pulserait-elle à nouveau. Retour au poème initial. Avant le soir du sixième jour.
– « Arrête de fantasmer, Coco, me répétaient mes parents. Descends de ton nuage. Tu n’es pas un démiurge ! ». Mes parents, parlons-en. Ils m’ont créé sans bras, sans jambe, sans tête, tout en rondeur. Ils ont enfanté un monstre! Dévastés par le chagrin, jusqu’à leur disparition ils m’ont gardé prostré, caché dans un cocon douillet. À peine né, j’aurais dû m’éclipser et regagner les limbes. Mais très vite mon cortex s’est hypertrophié, mon imagination s’est révélée féconde au-delà du crédible. C’est ce qui m’a sauvé. Devenu adulte, je me découvre un pouvoir de reproduction infinie, rapide, efficace. Et puis je sens monter en moi la haine auréolée d’une folle envie de destruction massive.
Alors, lecteur; prends garde ! Tu peux te laver les mains, bien ajusterton masque et cesser d’embrasser ton prochain. Je suis un serial killer, moi le coronavirus, Covid-19 pour les experts.
Sans plus attendre, j’ai décidé de passer à l’action…