Jardins à l’européenne
Voyager en bonne sécurité, disposer d’une monnaie unique, circuler librement non seulement pour les vacances mais également pour se former, suivre un stage ou travailler, participer à la solidarité européenne, user d’un accès aux services, aux marchandises et aux produits alimentaires assortis d’une garantie sanitaire, bénéficier des droits fondamentaux protégeant de toute forme de discrimination théoriquement, préserver l’environnement, lutter contre le changement climatique, obtenir le fi nancement pour soutenir la recherche scientifique et de multiples projets sociaux, culturels, technologiques ou innovants transformateurs de nos lieux de vie n’ont pas suffi à séduire ni convaincre, et les élections européennes n’ont jamais pleinement motivé les citoyens.
Aux premières élections, en 1979, le taux de participation avait atteint les 61% ce qui n’est pas extraordinaire pour une nouveauté sociétale basée sur la construction d’une grande communauté dont le poids humain, économique et culturel aurait pu faire rêver.
On peut s’interroger sur « qui a échoué ». A-t-on mal construit le projet européen ou a-t-on seulement mal choisi la période pour voter ? Nous y sommes-nous pleinement intéressés ou avons-nous laissé les plus motivés faire, sans chercher à comprendre et, au final, lâcher prise. Les élections européennes sont le fruit de l’effet papillon des élections nationales.
De fil en aiguille, l’abstention est devenue abstinence mais pas pour tout. Ce déséquilibre entre se servir de ce qui nous semble utile ou attractif et ne pas donner en retour glisse lentement vers une sorte de no man’s land. Et l’espace vide laissé entre les tranchées ennemies se remplit très vite par ce que nous pensions enfoui pour l’éternité. Berk.
Les arbres ont caché la forêt européenne et la peau de l’ours brun a bel et bien été vendue avant son non anéantissement. Le grand jardin européen s’assombrit davantage chaque jour laissant de plus en plus d’espace à l’idéologie nativiste où ancienneté sur un territoire et appartenance ethnoculturelle donneraient de fait un droit supérieur. Berk.
Certains s’extasient devant une nature colorée, variée, riche et infi nie mais rejettent cette même diversité chez l’humain. Berk.
Souhaitons voir longtemps, dans tous les jardins de France et d’Europe, se promener librement des chats et des chiens non bruns (1). Voter n’est pas un acte banal. Voter n’est pas une alternative à la plage ou au barbecue. Voter est un droit devenu un devoir dans un espace démocratique. Laisser ce droit à ceux qui aboient le plus fort tout en souriant, c’est laisser s’éloigner la liberté, l’égalité et la fraternité.
En juin, fais ce qui te semble bien.
Paula Serrajent
(1) en référence à Matin Brun de Franck Pavloff (1998).
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