L’âge de Pierre
C’est un poussin à moitié installé dans une coquille d’œuf. C’est son premier jour. À la fois timide et fier, il s’affiche à côté de « Rive droite », « Lormont » ou encore « Cenon ». Il me regarde dans les yeux et le bleu qui l’entoure est tellement bleu. Je craque. Je le prends dans mes mains et le découvre avec autant d’impatience que de curiosité.
Dix francs le numéro (même prix que Télérama, pour donner une idée au lecteur !).
Je lis chaque article, passe du temps sur chaque photo, apprécie le ton parfois sarcastique et regarde l’ours avec intérêt.
Dans le journal, il y a un petit encart invitant à rejoindre l’équipe du journal quelque part entre Cenon et Floirac pour participer à l’audacieuse aventure : réhabiliter la Rive droite de Bordeaux constituée de dizaines de communes mal connues et surtout, perçues négativement par nombre d’habitants de l’agglomération bordelaise.
C’est ainsi que j’ai rencontré Pierre Cixous qui connaissait ma maman. Le monde est petit, c’est bien connu ! Avec son épouse Anne, ils s’étaient lancés le défi de produire mensuellement un journal qui raconte la Rive droite, présente toutes les facettes de son histoire et en finisse avec sa mauvaise réputation. « Qu’je me démène ou que je reste coi / Je passe pour un je-ne-sais-quoi » aurait pu ajouter Brassens !
Nos samedis matin n’étaient jamais assez longs pour décider des sujets à traiter, sélectionner les articles, les raccourcir sans vexer leurs auteurs, trouver les photos adaptées aux propos, former un tout cohérent et boucler le journal dans les délais. Nous débattions pendant des heures.
Puis, nous avons décidé de progresser au lieu de vieillir. Au fil du temps, nous nous sommes professionnalisés. Comités de rédaction, recrutement de jeunes journalistes issus des meilleures écoles, relations avec les autres médias, photographes confirmés, nous avons jonglé avec les appuis bénévoles et les soutiens financiers publics pour gagner en qualité et en rigueur.
273 numéros plus tard, l’Écho est toujours là.
Bénévoles et salariés se sont succédé et portent individuellement cette modeste réussite, faite d’endurance, de foi et de résilience.
Rien n’existerait si, vingt-cinq ans plus tôt, il n’y avait pas eu cette petite équipe emmenée par Pierre Cixous… Il peut être fier, comme le poussin de la première couverture du journal.
Quelque part entre ciel et nuages, certainement entouré d’un bleu tellement bleu.
Toutes mes pensées vont à sa famille, ses amis et aux complices de l’aventure Écho des Collines. L’automne s’installe en douceur et le temps détricote le chagrin.
Paula Serrajent
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