Klong, klong, klong (*) !
Un café sur le balcon, une salade entre amis au jardin, un gâteau d’anniversaire pour les 12 ans du petit dernier… des cadeaux faits main ou pas, des chocolats noirs ou des mini-cannelés, un bon verre de vin et une chanson d’amour qui tourne en boucle. Le bonheur à portée de main, servons-nous sans modération !
Au premier jour du mois, on ramassera le muguet ou on en achètera au coin de la rue. Pour en offrir et pour s’en offrir. Mettons-en dans les placards, les bords de fenêtre, sur les balcons et dans les jardins. Arrosons la journée de clochettes blanches, petites caisses de résonnance aux concerts de casseroles qui s’improvisent un peu partout en France, suite des contestations non entendues par le gouvernement.
Les « casserolades » sont apparues pendant la monarchie de juillet, en 1832, pour protester contre le régime politique mis en place deux ans auparavant.
Ces concerts se faisaient la nuit. Preuve s’il en fallait une que la liberté d’expression a su gagner un peu de terrain puisque désormais, c’est en plein jour qu’ils se jouent.
Les concerts de casseroles ont franchi les frontières, du Chili en 1973 contre le président Allende à l’Espagne pendant le mouvement des indignés qui faisait suite à la crise économique de 2008. De nombreux pays s’en sont emparés pour mener pacifiquement des contestations contre leur régime, au Gabon, au Sénégal, au Burkina-Faso, au Maroc, en Colombie, en Argentine, au Canada, au Mexique, en Islande… et en Algérie pendant la guerre d’indépendance.
« Cri dérisoire des casseroles, quête pathétique d’un impossible miracle » résumait l’écrivain Mouloud Feraoun, assassiné par l’OAS en 1962, dans son journal.
« Impossible miracle », est-ce un pléonasme ? Je viens de réaliser que Mai 68 fêtera ses 55 ans cette année. Cet événement véhicule depuis des années le symbole d’une rupture fondamentale dans l’histoire de la société française idéalisée au fil du temps par de très nombreux jeunes et moins jeunes. Les casserolades ne vont donc certainement pas s’arrêter maintenant, le mois de mai sera tonitruant et elles se poursuivront au moins jusqu’au 21 juin, jour de la Fête de la musique.
Faute de chanter sous la pluie, nous danserons sous le bruit des cuivres et des faitouts. Le printemps s’installe doucement sous le roulement des cuillères en bois tapant sur le fond des marmites. Le concept est séduisant, sans doute vain… mais faire du bruit pour se faire entendre est nettement plus sympathique que de casser des vitrines ou des voitures.
Si vous déménagez prochainement, ne jetez pas vos vieilles casseroles ! Posez-les sur le trottoir avec une petite pancarte indiquant « servez-vous ! ».
Mois de mai, mois du muguet et de la fête du travail, renouez avec les petits bonheurs qu’ils soient clochettes ou marmites !
Paula Serrajent
(*) KLONG est l’onomatopée utilisée pour exprimer le bruit du métal (casserole, couvercle d’égout, barre de fer, etc.) dans la bande dessinée.
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