À question humaine, réponse humaine

«Naître, c’est recevoir tout un univers en cadeau », écrivait Jostein Gaarder, philosophe norvégien né en 1952, connu pour son livre « Le Roman de Sophie » où la jeune fille va recevoir chaque jour une lettre l’invitant à répondre à une question. Se prenant au jeu du mystérieux expéditeur, c’est ainsi que Sophie apprend à raisonner et à s’interroger sur deux choses très simples : qui sommes-nous et pourquoi vivons-nous ?

Débuter une nouvelle année en s’arrêtant sur ces deux questions n’est pas chose inopportune. Passons à autre chose… ou plutôt, remontons un petit peu en arrière et arrêtons-nous sur la naissance qui nous a le plus marqué, individuellement.

Quelle naissance me saute aux yeux ? La mienne, pas vraiment… bien qu’elle fût, dit-on, folklorique. Maman souhaitait accoucher chez elle pour voir la naissance de son troisième enfant, sans doute grâce à un jeu de miroirs installés dans sa chambre. C’était sans compter sur mes neuf livres qui rendirent les choses un peu plus compliquées et, paraît-il, manquèrent de me faire échapper des mains de la sage femme. Je ne me souviens de rien mais cette petite glissade sur les draps explique peut-être mon goût pour les toboggans et la luge.

Quelle naissance me saute au cœur ? Celle de ma petite sœur de presque 20 ans ma cadette, née sans crier gare après 9 mois de déni de grossesse. Née évidemment à la maison puisque personne n’était au courant, sauf peut-être notre mère en silence, elle fut regardée sous toutes les coutures avant d’être glissée dans un gros pull en mohair taille 38 en attendant le premier trousseau de naissance digne de ce nom.

Mais quelle naissance ne résiste pas à mon émotion ? Celle de mon premier enfant sans doute, comme tout parent. L’émotion reste intacte et chargée de tous ces petits détails qui font dire que la naissance d’un enfant est un moment unique, inégalable, exceptionnel et sans précédent.

Les premiers symptômes, la petite angoisse sourde, la montée d’adrénaline, l’inconnu… est-ce que tout va bien se passer, comment sera le bébé, les petites fées seront-elles au rendez-vous, glissera-t-il comme une lettre à la poste, le médecin qui m’a suivie sera-t-il présent… On ne s’interroge pas encore sur cette nouvelle vie dont on est responsable, de ce rôle de parent parfois maladroit souvent impuissant qu’on va devenir. On est juste impatient que tout commence.

« Naître, c’est recevoir tout un univers en cadeau », mais naître, c’est aussi donner tout un univers en cadeau. J’ai mille regrets : ça se déroule beaucoup trop vite, l’enfant est déjà grand quand on commence à ressentir de la nostalgie, les faits marquants du premier sourire, des premiers pas et des premiers mots sont à peu près encore visibles, tous les autres instants se sont estompés au fil du temps, captés par des clichés argentiques aux couleurs parfois fanées ou des photos numériques qu’on ne saura peut-être plus décoder dans quelques décennies. J’ai une certitude : avoir fait de mon mieux et avec amour. Aucun enfant ne devrait naître si sa vie n’est pas enveloppée d’amour.

Dans ce monde fragile et stupéfiant, mettre au monde un enfant est paradoxalement mieux médicalisé mais plus stressant. Le médecin sera-t-il présent… ?

Dans ce monde complexe et robotisé, s’interroger sur qui nous sommes et pourquoi nous sommes ici est paradoxalement plus important et moins stressant. À question humaine, la réponse est tellement humaine.

Année 2023, je compte sur toi !

Paula Serrajent

 

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