RECONQUISTA, de Serge Legrand-Vall (Éditions In8)

Ce très beau roman d’amour sur fond de Guerre d’Espagne se joue à deux voix. L’une est celle de Mateu Canalis qui raconte sa vie dans l’Espagne républicaine de 1936 jusqu’à la défaite, l’autre est celle du narrateur qui rapporte en 1944 la tentative avortée des Républicains partis de France pour renverser Franco. Dans ce passage entre le passé et le présent va se jouer le destin du héros et celui de sa fille Montse, enfant non désirée d’une femme non aimée. On suit au départ Mateu en partance pour « la Reconquista » animé du désir de mourir au combat pour rejoindre Esperanza, son grand amour tuée par les fascistes. Mais sa troupe est vite mise en déroute. Or, chose étrange, en lui resurgit soudain un désir de vivre et peu à peu un petit visage enfantin va s’imposer dans son esprit. Il devra saisir sa chance. Voir ce personnage pas-ser de l’amour fou à celui plus tendre d’un père et ses tentatives pour conquérir cette enfant qu’il a abandonnée tient en haleine. On partage aussi bien ses tourments à lui que sa douleur mutique à elle. En plus l’évocation de la République espagnole et l’analyse de son échec font mouche. Passionnant.

Danièle Heyd

SOCRATE À SANTORIN – LA TECHNOLGIE PEUT-ELLE TUER LA PÉDAGOGIE, de Laurent Boyer (Éditions Fyp)

Le père de la philosophie aurait quitté sa bonne ville d’Athènes pour Santorin, l’île-volcan ? Raz de marée en effet dans le monde des examens et concours de l’Education nationale : un site (Cyclades) rassemble tous les documents relatifs à ces épreuves, et un service intégré nommé Santorin (Systeme d’Aide Numérique à la noTatiOn et corRectIoN) gère les corrections désormais dématérialisées. L’écran a remplacé le stylo. Dans ce livre, Laurent Boyer, professeur de philosophie – et correcteur de copies – détaille cette transformation et interroge : la technologie peut-elle tuer la pédagogie ?

Appuyant sa réflexion sur de très nombreux ouvrages et témoignages et sur son expérience personnelle Laurent Boyer analyse les tenants et les aboutissants de cette évolution loin d’être économe en temps et en énergie (il faut tout scanner, tout répertorier) et qui, pour lui, rompt le lien entre le professeur et l’auteur de la copie, détruit la relation pédagogique, déshumanise. Au-delà du seul contexte de l’éducation et des examens, cette réflexion qui n’est pas nostalgie propose une analyse intéressante, large et claire des conséquences de ce type de transformation. Réflexion courageuse aussi, car dans l’élan général vers la technologie, il n’est pas à la mode de sembler rétro-pédaler.

Françoise Rouquié 

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