L’abbé de Choisy habillé en femme publié en 1855 dans le Musée des familles. ©DR

Comme c’était l’usage au XVIIe siècle, les garçons étaient habillés en fille jusqu’à l’âge de 5 ans (exemple Louis XIV).

En 1650, Jeanne Olympe Hurault d’Hospital, qui a épousé Jean de Choisy, conseiller d’état et seigneur de Balleroy, va exercer de cette façon sa passion maternelle et obsessionnelle au-delà des normes.

Trouvant son troisième fils François Timoléon d’une beauté étonnante, elle désire qu’il utilise au mieux ce cadeau naturel pour réussir dans sa vie auprès du frère de Louis XIV. Pour ce faire elle suit la mode de l’époque et l’habille en fille jusqu’à 18 ans. Cet adolescent au visage glabre se présente donc imberbe. Sa mère va alors s’employer à ce qu’il garde cette peau lisse en utilisant le remède en vogue. Elle applique donc sur la peau de son fils, une pommade réalisée avec une « certaine eau de veau » (urine) mélangée à du pied de mouton.

Est-ce cette pratique qui maintiendra François Timoléon imberbe toute sa vie ? Ou est-ce un manque d’hormones mâles en son corps ? En fait la conjonction de ces deux pratiques l’amènera durant sa jeunesse et même après avoir été nommé abbé de Choisy en 1685, à un sulfureux travestissement. Rubans, dentelles et mouches bien placées sur la joue il va fréquenter assidûment l’aristocratie sous le nom de comtesse des Barres puis sous celui de Madame de Sancy. Même s’il passait pour un travesti, cela ne l’empêchait pas d’avoir de nombreuses conquêtes exclusivement féminines. Il ne se souciait guère des moqueries, lettres anonymes et chuchotements dans les églises, même quand un représentant du Dauphin lui dit : « Monsieur ou Mademoiselle, car je ne sais comment vous appeler, vous deviez avoir honte d’aller de la sorte habillée en femme. »

L’abbé de Choisy fut aussi un « homme » de lettres original, un académicien (élu en 1687) qui laissa de nombreuses œuvres après avoir entrepris plusieurs voyages à Venise ou au Siam (de 1685 à 1686). Il collabora avec Charles Perrault à un ouvrage sur la langue française puis entreprit en 11 volumes « L’histoire de l’Église » et la termina en disant : « J’ai achevé, grâce à Dieu, l’histoire de l’Église. Je vais présentement me mettre à l’étudier. » Son œuvre la plus connue reste « Mémoires pour servir l’histoire de Louis XIV ». Certains auteurs contemporains doutent qu’il soit l’auteur du livre libertin « Mémoires de l’abbé Choisy habillé en femme » car il y aurait de nombreuses invraisemblances, contradictions, anachronismes…

Il mourut en 1724, à l’âge de 80 ans, sous la Régence, époque de « la douceur de vivre » où se mêlaient frivolité, religion et savoir.

Gilbert Perrez