En voiture Simone

Je me souviens parfaitement de la première fois où je suis montée sur un vélo. Petite, toute petite… mais un mélange d’excitation et de peur me poussait vers la selle pour faire comme les grands ! Je me souviens de ma première mobylette, ma première moto, mon premier volant d’auto-école entre mes mains. Je me rappelle de ma première voiture. Vert bouteille. Sièges en skaï beige avec de la moquette dans le coffre. L’affaire du siècle à ne pas rater avec le soutien financier de ma grand-mère fière quand je venais la chercher en auto !

Je me souviens du premier vol en avion et, plus rare je vous l’accorde, de mon  premier voyage en hélicoptère, la tête dans le sac en kraft tellement les acrobaties du pilote étaient spectaculaires. Je l’entendais jargonner en anglais avec son co-pilote, au-dessus de la chaîne des Pyrénées après avoir admiré la côte atlantique dans ses moindres recoins. Si, du haut de mes huit ans, j’étais fière d’avoir un tonton pilote d’essai en hélicoptère et savais citer les « alouette 1 » et autres dauphins ou écureuils qu’il pilotait, je l’étais beaucoup moins à chaque vol et dès le décollage !

Je me souviens de ma traversée en bateau pour rejoindre la Norvège, d’une pagode cambodgienne sur le lac du Tonlé-Sap, du bus Lormont-Cenon pour me rendre au collège et de la navette 4 Pavillons-Bordeaux centre. Je me souviens du premier tram place Stalingrad. Je me rappelle du premier métro parisien.

Mais aucun souvenir de mon premier train ! Bordeaux-Angers, sans doute. Ou peut être Angers-Paris ou encore Angers-Marseille. Je ne sais pas. Train de nuit ? Train de jour ? J’ai peut-être fait 400 000 kms en train et je ne me souviens même pas du premier kilomètre.

Et vous ? Vous souvenez-vous de cette première fois où vous avez pris le train. Quel trajet, quel horaire, quelle gare … ? et depuis, combien de kilomètres avez-vous parcouru en train ? Comment avez-vous acheté votre billet ? Au guichet, sur internet ou avec votre téléphone ? Vous souvenez-vous du nombre de fois où vous avez regardé le numéro de votre place, où vous avez vérifié la destination sur le billet de train ? Vous êtes-vous déjà trompé de quai, de voiture ou même de train ?

Soyons honnêtes, je me rappelle des attentes sur le quai, de tous ces corps qui se penchent audessus du quai pour regarder si le train arrive, de ces précipitations aux portes des voitures, de ces longues attentes devant les panneaux pour lire le numéro du quai, du « clac clac clac » qui accompagnent les affichages et du mot « Retard » orange et clignotant, accompagné d’un grand souffle des voyageurs impatients. Je connais cette odeur bien particulière des gares où se mêlent la sueur des passagers, la chaleur des rails et la graisse des mécanismes. Le brouhaha, le bruit des roulettes des valises sur le ciment, les appels au micro et la voix de Simone durant 1 milliard d’annonces dans plus de 4700 gares !

Et pourtant, quand j’entends le mot train, c’est le mot voyage qui raisonne en moi. Il persiste une part d’inconnu, d’inattendu et de mystérieux avec ce mode de transport. Est-ce le croisement fugace de tant de visages inconnus, de cet état voyageur-anonyme, des journaux qu’on va feuilleter, du livre dont on cachera la couverture ou qu’on affichera par fierté de le lire pendant que d’autres dorment ou regardent leurs téléphones, de ce mélange entre ceux qui partent travailler ou ceux qui sont là en touristes.

Le train… ce train qui siffle et « c’est triste un train qui siffle dans la nuit… ». Chargé d’histoires individuelles et de grandes histoires sombres et collectives, le train véhicule pour moi un mystère.

Joli mois de Mars ! Patience, nous nous rapprochons chaque jour du printemps.


Paula Serrajent