Chaleur humaine

« Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue. »

Sensation, poème d’Arthur Rimbaud, se poursuit ainsi « Je ne parlerai pas, je ne penserai rien. Mais l’amour infini me montera dans l’âme. »

En cette fin de mois de juin, juste avant que les urnes ne se remplissent, je me demande dans quel état sera mon âme cet été. J’espère pouvoir aller dans les sentiers, laisser les blés me picoter les chevilles et marcher pieds nus sur l’herbe menue. J’espère me sentir légère et enivrée, avec cette envie irrésistible de me poser sur une terrasse ensoleillée et laisser le vent baigner ma tête nue.

Au son de l’accordéon, me laisser guider vers quelque guinguette illuminée où danseront, amoureux, des couples gentiment éméchés.

Ne pas parler et ne rien penser puisque rien n’est vraiment arrivé. Au-delà des tempêtes et des alertes, par-delà les crues et les hameaux engloutis, la conscience humaine aura repris le dessus.

« Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la nature, heureux comme avec une femme. »

Ainsi se termine le court poème d’Arthur Rimbaud, écrit en mai 1870 quelques mois avant que la France ne déclare la guerre à la Prusse alliée de plusieurs états allemands.

Presque 250 ans plus tard, après deux guerres mondiales et d’effroyables affrontements un peu partout dans le monde, on flirte avec l’extrême-droite sauf que ce n’est pas une amourette d’été, cette histoire courte qui s’écrit sur le bord de la plage. Cela s’apparente plus à une relation toxique où s’entremêlent harcèlement et mépris, où l’autre est forcément responsable de tous les maux.

En cette fin de mois de juin, juste avant que les urnes ne se remplissent, je me demande ce qui sera écrit plus tard dans les livres d’histoire. Si l’été ne s’installe pas durablement, est-ce une conséquence du dérèglement climatique ou une méfiance de Dame Nature qui ne croit plus guère en notre humanité ?

En ce début d’été, on a envie de douceur, de lumière et de légèreté. En ce début d’été, on pense melon, soleil et océan. En ce début d’été, on veut juste se poser, rêver et danser. Chanter, bavarder et marcher.

En cette fin de mois de juin, juste avant que les urnes ne se remplissent, j’espère que douceur, lumière, légèreté, melon, soleil, océan, rêve, danse, chanson, bavardage et marcher seront au rendez-vous. Et laisser le vent baigner nos têtes nues.

Respirez, l’été vient tout juste de commencer !

Paula Serrajent