Faites circuler, on a tout à y gagner !

Ce mois-ci, le journal vous propose un dossier clé-en-main sur l’économie circulaire.

Le premier livre sur le sujet est apparu en 2009 et ce concept s’appuie sur la théorie « du berceau au berceau » mise en évidence en 2002. Pourtant, le principe de l’économie circulaire existait bien avant.

Début des années 70. Mon grand-père avait de grandes lessiveuses cabossées sous les gouttières de la maison de campagne pour collecter l’eau de pluie et arroser les arbres fruitiers. Son garage était rempli de vieilles boîtes rouillées dans lesquelles on pouvait trouver des centaines de vis et de boulons orphelins. Il y avait des boîtes à chaussures pleines de petits bouts de ficelle et de bolduc. Des cageots à légumes empilés jusqu’au plafond servaient à ranger les vieux pantalons, les chemises fanées, les chaussettes reprisées et les chaussures élimées constituant le dressing dédié aux tenues de jardinage et de bricolage. Une ancienne antenne de télévision servait de sèche-linge et le tambour d’une machine à laver cassée servait de germoir. Il ne jetait rien et ne revendait rien.

Je me souviens d’une voisine qui faisait publier régulièrement une annonce dans un journal gratuit distribué dans toutes les boîtes auxlettres. Nous les lisions sans idée d’acheter. C’était plus de la curiosité. 2 francs les sous-vêtements, 3 francs le pantalon et 5 francs le lot de 3 pulls pour garçon 10-11 ans. Ça nous faisait sourire. Chez le boulanger, il y avait tout un panneau d’affichettes, ici « vend table de jardin », là « échange armoire normande contre casier à bouteilles de vin, livraison possible ». On entrait dans le domaine de la seconde main. L’économie circulaire à une échelle individuelle était bien là.

Vers les années 80, j’ai commencé à trier mes déchets. Pas facile à gérer, les poubelles avaient toutes la même couleur ! Il y avait Raoul, au fond du jardin, qui se ressourçait de toutes les traces de soupes et autres salades de fruits. Sous les doigts d’un bricoleur doué, un ancien placard était devenu bureau et une commode défraîchie trônait en coiffeuse vintage dans la chambre de ma fille. Recyclage façon « do it yourself ». Palette de bois façon table de jardin et planches associées aux briquettes façon bibliothèque. Les amis aux maisons Ikéa regardaient notre intérieur avec curiosité.

Je me rappelle un magasin d’électro-ménager, à Lormont, qui revendait des téléviseurs et des platines-vinyles d’occasion. Pas encore d’ordinateurs mais le concept « back market » était là alors que la société du même nom n’est apparue qu’en 2014.

On dit souvent que « l’histoire, comme une idiote, mécaniquement se répète » (Paul Morand). Il y a plus stupide comme répétition que celle de la seconde main. Elle fait des heureux, constitue de plus en plus un mode de vie éthique et soutient la thèse factuelle que produire à l’infini est un système destructeur pour une planète embourbée dans le consumérisme. La pratique contribue à tendre vers le zéro déchet et à maîtriser partiellement le réchauffement climatique.

« L’histoire, comme une idiote, mécaniquement se répète », notre récente élection présidentielle l’a encore démontrée. Mais l’électeur, pas si idiot, humainement se préserve.

Profitez de ce joli mois de mai qui s’installe et fréquentez les brocantes et autres vide-greniers, on a tous à y gagner !

Paula Serrajent