Entre Art et Métier

Drapiers, papetiers, tisserands, enlumineurs, sculpteurs, ébénistes, menuisiers, imprimeurs, verriers, graveurs ou encore charpentiers, j’ai découvert l’histoire de la création artisanale française dans le roman de Jean Diwo « Au faubourg des dames », grande saga familiale au cœur du Paris historique.

J’ose promettre que, si vous ne connaissez pas le roman, en commençant sa lecture, vous aurez du mal à le lâcher. Et vous poursuivrez sûrement l’aventure car il n’est que le premier tome d’une trilogie qui vous emmènera jusqu’à l’exposition des Arts décoratifs de 1925. Passionnant.

Je feuillette de temps à autre quelques pages pour retrouver l’odeur de la colle qui bouillonne dans de grandes marmites, celle du bois qui prend forme sous les sifflements de la varlope, pour entendre le chuintement de la scie ou pour relire la montée en puissance de ce génie français reconnu dans le monde entier. 

Tenez, lisez … nous sommes en 1442 :

« le roi venait de signer une ordonnance qui reconnaissait aux métiers le droit de s’exercer librement sous le contrôle de l’abbesse. En d’autres termes, l’enclos et les terres appartenant à l‘abbaye devenaient territoires de libre travail pour les compagnons des professions utiles à l’entretien du couvent. […] charpentiers et menuisiers pouvaient installer leurs ateliers dans un lieu proche des chantiers de Bercy ».

Mis sous la protection des abbesses, le faubourg sera très organisé et très hiérarchisé. Les femmes, dotées de fortes personnalités, afficheront leur volonté de s’affranchir de l’autorité masculine sans renier l’importance de leur place au sein d’une communauté d’artisans passionnés par leur métier.
En ces temps-là, les femmes ne sont pas appelées féministes.

En ces temps-là, il n’y a ni salon de l’artisanat, ni foire des métiers ni même d’exposition des œuvres d’art. Les bourgeois, les monarques et l’Église passent commandes et les hommes de métier réalisent. Ils savent que ce qu’ils font est beau et leur valeur n’est estimée qu’au temps passé et au matériau consommé.

Le contexte industriel de masse a mis au second plan ces artisans qui enchantent nos yeux et nos sens. Les grandes marques du prêt-à-porter, les Amazon, Ikea, Leroy Merlin et autre Foire-fouille ont absorbé le besoin et la demande. Il y a sans doute tout ce qu’il faut mais il n’y a pas cette culture du beau, de l’unique et de l’intemporel.

Je sais ! C’est difficile, financièrement, de ne choisir que les services et objets d’artisans … j’essaie de préserver l’artisan boulanger, l’artisan boucher, l’artisan coiffeur, l’artisan maçon ou encore l’artisan bijoutier… les uns au quotidien en y achetant du pain ou un steak, les autres plus ponctuellement ou pour les grandes occasions !

Pourtant, qui ne s’est pas émerveillé devant un bout de bois qui devient lampe, une boule d’argile qui devient pichet à eau ou un bloc de pierre qui devient sculpture sous les mains expertes de l’artisan ? J’ai du mal à imaginer que tous ces métiers puissent un jour disparaître et pourtant, leur équilibre est si fragile. Prenons le temps de lire le dossier du mois et faisons chacun.e un petit quelque chose pour que l’artisanat et ses presque un million et demi de travailleurs continuent à enchanter nos yeux et nos sens.

Bel automne,

 Paula Serrajent