La tribune de l’église de Saint Romain, édifiée en 1881, supporte un orgue de 370 tuyaux. ©Gilbert Perrez
Quel contentement d’entendre les notes harmonieuses émises par ces sympathiques monstres soufflants que sont les orgues des églises de nos collines. L’orgue est un orchestre entier à lui tout seul « auquel une main habile peut tout demander, peut tout exprimer » (Balzac). Durant l’office l’orgue est le complément idéal pour une divine communication et non pas comme disait François Mauriac : « L’orgue, un instrument qui prétend prier à notre place ». La maîtrise de cet énorme instrument de musique requiert chez l’organiste la magie de savoir en tirer avec brio toutes les sonorités et lui redonner une âme pour qu’enfin une « sacrée » musique vibre et résonne dans l’église romane ou gothique.
Qu’elles sont majestueuses « ces belles orgues » (1) qui nous laissent voir un certain nombre de tuyaux à bouche et à anche -parfois jusqu’à 900- différents suivant leur forme, leur longueur et leur diamètre. Ils portent des noms bizarres : bourdon 8’, prestant 4’, montre 6’etc (le chiffre exprime leur longueur en pieds : 8 x 0,32 cm soit 2,56 m). Bien souvent ils sont séparés par des tourelles, supportant des tuyaux, avec à gauche le Grand-orgue et à droite le Recit. Ils sont regroupés dans une structure en bois dite buffet. Pour animer ces tuyaux il faut un cerveau qui se compose de claviers, de pédales et de tirasses(2). Enfin l’orgue a besoin d’une certaine énergie : du vent, fourni par un soufflet manuel ou mécanique débitant une pression constante.
La dizaine d’orgues des églises de nos collines sont simples ou avec plusieurs tourelles et possèdent un nombre de jeux, de claviers différents. Déchiffrons leur histoire à travers leur différente sonorité.
Celui d’Ambés fut construit en 1880 par Cavaillé-Coll et offert à l’église par une riche paroissienne. Nicolas Henry fit en 1840 celui de l’église d’Ambarès qui a 924 tuyaux dans un buffet en sapin de style du XVIIIe. Après un manque d’entretien et un pillage des tuyaux en étain, il a été restauré en 1997. Le maitre d’orgue Gaston Maille a conçu celui de l’église de Bouliac en 1896. Son buffet en chêne de Hongrie est en deux parties et la soufflerie est assurée par une transmission pneumatique tubulaire. Détérioré il fut remis en état en 2013. À Carignan de Bordeaux, l’orgue initial de Wenner a été modifié par Maille en 1892. Bricolé, pillé, il a été remis en état en 2003.
L’orgue de Cenon, de la marque prestigieuse Georges Wenner, avait été installé en 1883 par le maître d’orgue bordelais Gaston Maille. Après un siècle pendant lequel il avait eu le temps de souffler, un facteur d’orgue lui a redonné vie au début de 2018 pour 30 000 euros. L’orgue de Créon, en provenance de Blanquefort, a été réhabilité en l’an 2000. Celui de La Sauve construit en 1878 pour Charles Gounod a été légué par la famille du musicien à la paroisse de Créon. À Latresne, l’orgue de Maille de 1885, comporte 3 tourelles et a été refait en 1977. Enfin celui de Saint Loubès est toujours bien entretenu depuis 1877.
On constate que ce patrimoine a souvent été laissé à l’abandon, sans entretien et dépouillé de ses tuyaux métalliques très recherchés.
Gilbert Perrez
(1) Les orgues, au féminin pluriel, est l’ensemble des tuyaux, alors que l’orgue, au masculin singulier, désigne l’instrument de musique dans sa globalité. Cette particularité grammaticale faisait dire à Courteline avec une pointe d’ironie : « Cet orgue est le plus beau des plus belles ».
(2) Tirasse : manette qui lorsqu’elle est tirée permet d’accoupler les sons émis par le clavier et le pédalier.