WANNSEE, de Fabrice Le Hénanff (Éditions Casterman)

Cette BD aux tons sépia et vert-de-gris a des dessins qui semblent baigner dans  un clair-obscur inquiétant. Elle recrée une réunion tenue volontairement secrète, dans une belle villa de Wannsee, banlieue de Berlin, le 20 janvier 1942. Convoqués par le chef SS Reinhard Heydrich, secondé par Adolf Eichmann, SS en charge des affaires juives, 13 hauts fonctionnaires nazis venus de tout le Reich apprennent qu’ils sont là pour appliquer la solution finale à tous les juifs entre leurs mains. L’intérêt ici est de voir comment les nazis savent utiliser l’euphémisme pour parler de leur future action. Après le recensement des populations Heydrich parle d’ « évacuation » complétée par « einsatzgrup ». Le lecteur (comme les participants) comprend alors qu’il s’agit de tuer tous les juifs. Le plus terrible ce n’est pas l’acceptation par tous de cette action mais la discussion des détails : que faire des enfants de couple mixte ? Comment tuer le plus de juifs sans les fusiller car cela déprime leurs bourreaux ? L’épilogue reprend tous les participants en indiquant leur sort à la fin de la guerre. Bravo à l’auteur pour avoir vulgarisé cette sombre page d’histoire.

Danièle Heyd

LE VOL DU CORBEAU, de Gibrat  (Éditions Aire Libre)

Cette BD en deux tomes plaît beaucoup par ses dessins réalistes et délicats, ses couleurs douces où dominent le vert, le jaune et le brun. Cela recrée bien l’atmosphère en demi-teinte de la fin de l’Occupation (1944). Dans ce Paris allemand deux jeunes gens se rencontrent dans la prison d’un commissariat : Jeanne jeune résistante communiste au joli béret rouge dénoncée par une lettre anonyme et François, vulgaire cambrioleur assez habile et rusé. Réussissant à s’échapper par les toits ils vont progressivement s’apprivoiser et faire fi de leurs préjugés. Mais deux secrets les hantent. Pour Jeanne savoir qui l’a dénoncée et pour François, cacher à la jeune fille qu’il est involontairement ce corbeau bien décidé à réparer sa faute. Le contexte inquiétant de cette fin d’Occupation amplifie le suspense. La fin révèle aussi quelques surprises. Un vrai plaisir.

Danièle Heyd