UNE SORTIE HONORABLE, d’Éric Vuillard (Éditions Actes Sud)

En plusieurs tableaux datés et en apparence sans lien, Éric Vuillard évoque ici l’Indochine, colonie française. Au début, il décrit le contrôle administratif en 1928 de plusieurs plantations d’hévéas aux méthodes esclavagistes. En 1950, il met en scène l’aveuglement des politiques qui, à la suite de la défaite française de Cao Bang, cherchent « une sortie honorable » par la poursuite des combats. Il souligne l’incompétence du général en chef Navarre qui aboutit à la catastrophe finale de Diên Biên Phu, 2000 morts… 11000 prisonniers (7 mai 1954). Le dernier chapitre, qui se passe à la Banque d’Indochine à Paris, dévoile qui sont les profiteurs de la colonisation et de cette guerre calamiteuse… Comme L’Ordre du jour(2017), l’auteur brosse ici un portrait sans complaisance de la grande bourgeoisie d’affaires qui sous son aspect respectable spécule sans foi ni loi pour servir ses intérêts. Sa plume devient même féroce pour évoquer les manigances et la consanguinité des actionnaires dont le rêve est de dominer, dans l’ombre, le monde.

Danièle Heyd 

CHÂTEAUX DE SABLE, de Louis-Henri De La Rochefoucauld (Éditions Robert Laffont)

C’est un livre farfelu mais d’une drôlerie constante. Le narrateur se décrit avec humour comme un de La Rochefoucauld, dont le palmarès familial est d’avoir eu 14 guillotinés à la Révolution. Reste d’un monde disparu, écrivain sans gloire mais indécrottable rêveur, Louis-Henri, a soudain le désir d’écrire sur Louis XVI. Projet sans lendemain jusqu’à sa rencontre dans un bar clandestin tenu par des royalistes, d’un certain Robinson Bourbon, en fait le fantôme de Louis XVI. Voilà Louis-Henri naviguant entre le présent et le passé, tandis que le roi fantôme se livre à une savoureuse critique de notre monde. Il ne manquait que Marie-Antoinette… Mais elle est là, elle aussi. On nage en pleine fantaisie à la fois sérieuse mais aussi comique. À la fin l’auteur arrive à traiter son sujet : réhabiliter Louis XVI.

Danièle Heyd