NOUVEAU CONTACT, de Duhamel (Éditions Grand Angle)
Prenez un coin isolé des Highlands en Écosse avec un solitaire nommé Doug, amateur sans mérite de photos du coin. Ajoutez un monstre rigolo tout bleu sorti soudain du lac près de chez lui, que Doug a pris en photo sans le vouloir, qu’il a balancé sur Twitter pour faire le buzz. Vous avez là le début d’une histoire délirante. Meute de fans en transe devant la porte de Doug, vengeance sur Internet, journalistes et armée à la poursuite de la vérité du « monstre », expériences clandestines sur des fœtus humains par le laboratoire près de chez Doug… Dans cette farandole de coups de théâtre, de renversements de situation, on comprend très vite que se cache dans cette BD une violente satire des réseaux sociaux, de leur pouvoir et de leur danger. Pour l’épilogue de l’histoire l’auteur nous plonge dans deux pages de Twitter qu’il a imaginées et qui sont très drôles. Pour rire et réfléchir.
Danièle Heyd
HUMEUR NOIRE, d’Anne-Marie Garat (Éditions Actes Sud)
Anne-Marie Garat, romancière bordelaise lauréate en 1992 du prix Fémina, revient dans sa ville pour apprendre un bouleversant secret de famille. À ce choc privé va s’ajouter celui de découvrir au Musée d’Aquitaine un petit cartel incongru, dans la salle de la traite négrière. Cette affichette édulcore la présence des noirs et gens de couleur à Bordeaux au XVIIIe siècle en occultant surtout la réalité de l’esclavage. Ce nouveau choc plonge l’auteure dans son passé et dans celui de sa ville. Après avoir en vain demandé la modification du texte elle va en éclaircir les termes en détaillant avec précision le passé négrier de Bordeaux. Cette opération vérité, elle va l’étendre ensuite à l’empreinte coloniale du port, aux œuvres exotiques du Muséum d’Histoire Naturelle du Jardin Public et pour terminer au rôle des édiles bordelais sous l’Occupation. Cette tendance qu’a Bordeaux à l’amnésie de son passé peu glorieux est donc la source de l’humeur noire qui la saisit, d’où le titre du livre. La plume d’Anne-Marie Garat est incisive et son style véhément. On est à la fois emporté dans ses souvenirs des années 60, et abasourdi par son réquisitoire même si elle fait un peu trop de sa ville une complice de la colonisation. Parfois, on partage dans un moindre degré son attraction –répulsion pour la cité bordelaise. Sa réécriture, à la fin, de l’affichette au plus près de la vérité historique est une leçon de mémoire magistrale. Passionnant.
D.H.