LES ABEILLES GRISES, d’Andreï Kourkov (Éditions Liana Levi)
L’auteur est un célèbre auteur ukrainien de langue russe, qui dans ce roman picaresque narre les aventures d’un simple apiculteur et de ses six ruches à travers l’Ukraine en 2017. Sergueï Sergueïtch, habite un village en ruines, dans la zone grise des combats entre la région de Donetsk et celle de Sloviansk. S’il penche pour le régime de Kiev, Pacha, son unique voisin et seul ami, fricote avec les séparatistes pro-russes. À la belle saison, Sergueï décide de partir chercher un joli coin de verdure pour permettre à ses abeilles de butiner. Il se dirige d’abord vers la région de Zaporijia où la guerre semble loin mais celle-ci le rattrape quand il croit avoir trouvé la paix. Le même scénario se reproduit en Crimée annexée, amplifié par l’oppression russe. Au fur et à mesure, Sergueï comprend qu’il n’a sa place nulle part, sauf près de Pacha dans son village détruit. En utilisant la comédie et parfois le drame, l’auteur nous brosse à travers les joies et les tracas de son héros, une vision très approfondie du conflit ukrainien avant février 2022. On saisit la profonde fracture du peuple, la corruption banalisée, les dégâts de la guerre et le régime de terreur de Poutine en Crimée. À la fois distrayant et surtout instructif.
Danièle Heyd
L’ÎLE AUX CENT MILLE MORTS, de Fabien Velhmannet Jason (Éditions de GLénat)
Gweny, petite fille laide dont le père a disparu en allant chercher le trésor de l’île aux cent mille morts, a reçu deux bouteilles contenant une carte de cette île. Elle décide de partir à sa recherche en proposant à des pirates de l’emmener en échange d’une part du trésor. Arrivée là-bas, Gweny est faite prisonnière par des hommes cagoulés qui l’emportent dans leur camp. Stupeur ! C’est une école de bourreaux… Conçue comme une école ordinaire avec ses sections, ses cours, ses TD et sa hiérarchie centrée sur les couleurs des différents cagoules, elle fait au départ rire jaune. Mais la présence de l’élève bourreau, Tobias, un véritable cancre qui rate tous ses exercices, fait franchement sourire. On est en plein univers de fantaisie qui détourne les éléments macabres du titre. Les personnages sont caricaturaux avec des têtes inspirées de celle du chien ou du canard. Les dessins simples et colorés presque enfantins tranchent avec le titre inquiétant. Une drôle d’histoire qui devient à la fin une histoire drôle.
Danièle Heyd